C'était il y a longtemps, ailleurs, loin d'ici.
En ce temps là vivait entre autres choses, un petit papillon. La vie était belle pour lui, elle coulait paisiblement. Voletant de fleur en fleur, il était bien. Mais il était un peu différent des autres papillons, malgré sa joie de vivre évidente, malgré le soleil qui le rechauffait, ses ailes demeuraient noires, desespérement noires. Cela lui valait d'ailleurs bien des quolibets de la part de ses camarades papillons, je dis camarade, parce que des amis, il n'en avait pas vraiment.
Oui, il était différent, alors que beaucoup s'affairaient à longueur de journée, lui aimait à se laisser revasser à l'ombre d'un pétale. Il avait tout, c'est sûr, pour être heureux, mais au fond de lui quelque chose lui manquait, il se surprenait parfois à se trouver...comme etranger à lui-même.
Un jour, a priori comme les autres, le papillon partit comme chaque matin, il ne savait pas encore que cette journée allait le changer pour toujours. Plus fatigué qu'à l'acoutumée, le papillon se posa contre un brin d'herbe, et, au lieu de rester là, à rêver les yeux grands ouverts en contemplant le ciel, il s'endormit, d'un sommeil profond.
Lorsqu'il se reveilla, il fut pris de panique. Horreur, il faisait nuit! Toute son enfance on lui avait repeté que la nuit était dangereuse, que jamais un papillon n'en était revenu. Il était là, sans défense, dans une nuit qui avait tout transformé autour de lui, il ne reconnaissait rien, il était incapable de retrouver son chemin.
Il se refusait à rester sur place à ne rien faire, d'ailleurs il ne le pouvait pas. Alors il vola, vola, vola, loin, très loin, comme pour fuir sa propre peur. Puis petit à petit, il s'habitua à l'obscurité, rien n'était vraiment sombre finalement, et tout était si calme. Il apprivoisa la nuit, elle devint son royaume, son amie. Pour la premiere fois de sa vie, peu lui importait que ses ailes soient noires, car la nuit, tous les papillons se ressemblent.
Depuis tant de jours qu'il se cherchait lui-même, enfin il le savait, le papillon rêveur était papillon de nuit. Comme il était extrémement fatigué, il se posa sur une branche. Comme à son habitude, il se mit à regarder le ciel, et ce qu'il vit alors dépassait en beauté tout ce qu'il avait pu voir auparavant. Là, au dessus de lui se trouvait un véritable tapis d'étoiles, magnifiques, brillantes, si paisibles. Le noir du ciel autour n'était là que pour faire ressortir un peu plus ces myriades de points étincelants.
Les étoiles étaient merveilleuses de beauté, mais une les surpassait toutes. Il la fixa très longtemps et, à force de contemplation, il finit par tomber amoureux d'elle. Alors, ayant recouvré ses forces, il jura qu'il l'atteindrait pour se poser tout contre elle et rester à ses cotés.
Alors il s'envola de nouveau, monta, monta très haut dans le ciel, aussi haut que ses ailes pouvaient le porter. Un seul regard vers son étoile suffisait à lui redonner courage et à lui faire oublier sa fatigue. Il lutta tant qu'il put, mais malheureusement, il dût s'avouer vaincu. L'étoile était aussi loin de lui qu'elle était belle, il ne l'atteindrait pas, il le savait.
Le papillon se laissa tomber, englouti par le desespoir, au bout de sa chute, il heurta le sol et s'endormit. La journée passa ainsi, le papillon ne se reveilla qu'à la nuit tombée. Alors, le papillon amoureux alla sur la plus haute feuille de la plus haute branche du plus haut des arbres, ici, coupé du reste du monde, il resta toute la nuit contempler son étoile chérie. Et il en fut ainsi chaque nuit depuis lors.
C'est de nos jours, ici, tout près.
Le papillon est encore là, fidèle à son étoile, il la désire, il rêve d'elle, elle brille toujours aussi fort. Sa vie d'avant ne lui manque pas, il passe ses nuits à la regarder, à l'attendre, et il se dit que même si elle ne descend jamais, même si lui ne vole jamais assez haut, sa vie aura valu la peine, car il aura esperé.
D'un papillon à une étoile, des années lumière pour quelques mots d'amour.